Minerve (34) - 500 m
Du 9 au 19 mai 2011
La petite histoire
Il y a 30 ans, un couple d'Allemands retape une ferme isolée dans les Alpes à Cravirola.
25 ans plus tard, après des débuts difficiles, le lieu a fini par décoller et accueille plus de monde. Une coopérative et une SCOP ont été créées pour être dans les clous et vendre du fromage de chèvre en à peu près toute légalité.
Puis les gens se sentant un peu limités par l'endroit cherchent un nouveau terrain et atterrissent dans l'Hérault, près de Minerve, dans une propriété de 270 ha de garrigue.
Le lieu hérite du nom de la coopérative qui avait elle-même le nom du bled d'origine, et voilà pourquoi Cravirola est maintenant dans l'Hérault.
Si vous êtes friand de séries américaines ou simplement curieux, y'a plein d'endroits sur internet où on trouve des versions détaillées et croustillantes de cette histoire, je vous les recommande.
En déménageant, les Craviroliens ont "donné" l'ancienne ferme à un nouveau collectif. Les deux groupes, rejoints par un troisième, ont créé la société Terres Communes qui a un engagement foncier un peu comparable à celui de Terre de Liens. Il y a une réelle volonté politique là-derrière, qui est bien expliquée ici: http://www.terredeliens.org/spip.php?article205.
Aujourd'hui c'est une dizaine de permanents qui sont installés à la ferme ; le groupe est assez hétérogène (25 - 60 ans) et mixte. Peu vivent dans le bâtiment principal, et faute de permis de construire, la plupart sont en caravane ou cabanes depuis plusieurs années ; vague de construction sauvage imminente.
L'activité
Le nouveau terrain a couté la bagatelle de 1,2 millions. Pas mal pour des hippies éleveurs de chèvres.
La SAS a un emprunt de 800 000 € sur le dos qu'il faut rembourser grâce à trois principales activités économiques : le fromage, l'accueil et la vente de bois.
Le fromage :
70 chèvres, 60 brebis et 8 vaches laitières : beaucoup d'animaux pour faire beaucoup de fromage. La clientèle est à Cannes (historiquement ca a un sens), donc on produit toute la semaine et chaque vendredi on envoie le camion frigo faire le marché et vendre 5000 € de fromage. Y'a des sous sur la côte.
Les bêtes sont traites à la machine et nourries avec du foin acheté : sur place y'a de quoi paitre pendant deux mois à tout casser, c'est impossible de faucher ; rageant de voir ces 270 ha qui servent à rien.
Mais une solution se profile : le sylvopastoralisme. Leur garrigue est en fait une forêt de chênes verts qu'ils éclaircissent pour laisser repousser l'herbe et envoyer les animaux grignoter ce qui pousse. Toujours pas de quoi faucher mais ca devrait agrandir un peu la période de paturage.
Le bois :
Eclaircir les chênes pour faire pousser l'herbe c'est chouette et en plus on peut vendre le bois pour se chauffer ! Doublement chouette non ?
L'accueil :
Un gîte, des chambres d'hôtes et l'été, un camping participatif de 300 emplacements pour des vacances de hippies. Le camping est en train de se mettre aux normes (incendie notamment). Il est vraiment très très grand, c'est pas le genre avec des emplacements de 12 m² ; on demande aux gens de s'occuper de l'entretien, de changer les bacs des toilettes sèches, de participer à la bouffe ce genre de trucs.
En plus :
Quelques entrées d'argent supplémentaires : viande de vache, de cochon (nourri au petit lait), loyer versé par le collectif de l'ancienne ferme, pain, et soutien financier d'actionnaires qui achètent des parts pour encourager le projet.
Le séjour
Pour passer quelques temps à Cravirola il faut participer à un chantier solidaire. Je n'ai pas wwoofé, j'ai menti dans le titre, pardon.
On paye 45 € pour aller bosser une douzaine de jours (wwoof payant, concept intéressant). On est un groupe de 8 maxi.
Le thème de notre chantier : lancement de la saison, aménagement du camping, et vie quotidienne.
En vrac : décailloutage du camping, construction de RIA en pierre, tranchées pour réparer les canalisations, remise en état du snack, nettoyage, peinture, jardinage, traite, fromagerie, étanchéifier un cuve en béton, monter le chapiteau, etc...
Donc pendant dix jours on participe à la vie de la ferme. Un groupe le matin va traire très tôt (ou des fois simplement un peu tôt), un peu après une équipe commence la fromagerie du matin, puis vers 13h tout le monde vient manger, et on rattaque soit au chantier, soit en fin d'après-midi à la traite ou fromagerie. 19h : l'apéro/réunion et hop à table. Après en général ca s'éparpille.
Mon court passage
Cravirola se veut un lieu de résistance, d'engagement, d'expérimentation et d'autogestion.
J'ai débarqué là-bas juste après Ramounat, et j'ai surtout eu l'impression d'un lieu sans cohérence avec les valeurs qu'ils défendent, où tout tourne autour du fric et de l'énorme emprunt à rembourser : on bosse à coup de tracteur, pelle mécanique, traite à la machine, on envoie les fromages à l'autre bout de la France, les légumes viennent du supermarché (le jardin est assez petit surtout quand il est censé alimenter le snack pour les campeurs l'été), le compteur électrique est à peine suffisant (il va falloir passer au modèle au dessus), ils n'utilisent pas les toilettes sèches...
J'ai juste vu une boîte en train de faire du pognon entre copains.
Et puis j'y ai trouvé un sens en considèrant le point de vue de Terres Communes. Pour ceux qui ont pas lu l'article vers lequel je fais un lien plus haut (bouh !) le principe de la SAS c'est de devenir propriétaire de terres pour les consacrer à l'agriculture, en les confiant à des gens qui n'en seront pas forcément propriétaires. Terres Communes veut posséder du foncier pour le sortir du système de spéculation actuel qui empêche les agriculteurs de s'installer ou les force à s'endetter et à devenir rentables.
Toujours est-il qu'à l'issue de mon séjour je ne sais toujours pas ce qu'ils vont faire quand leur emprunt sera remboursé, je ne comprends pas pourquoi ils ont acheté 270 ha ni pourquoi avoir choisi la garrigue ou le bétail n'a rien à manger.
On poursuit avec Julie à Longo Mai pour le mois de juillet, et peut-être plus avec Baptiste si le début s'est bien passé.